19h00 - fin de ma journée. Ô joie ! Cette journée avait été longue et épuisante de mon côté. Je ne rêvais que d'une chose: me nourrir et partir me défouler un peu. J'avais beaucoup eu de morts sur la planche, en plus. Avec le temps je m'étais habituée à en voir -et encore heureux. Voir la mort ne me faisait plus rien, je m'étais endurcie depuis quelques années puis de toute façon je n'étais pas censée m’effondrer devant la famille des défunts. Je devais me montrer neutre et insensible. Il me suffisait juste de transformer leur défunt proche en prince charmant. J'étais soigneuse dans mon métier, peut-être un peu trop, perfectionniste j'étais. Rares sont les fois, où par malheur je m'humidifiais les lèvres en voyant ce sang de pauvre humain. Mais je ne faisais rien. Voilà, un bon moment que j'avais réussi à dompter la bête qui se trouvait en moi. Bête qui avait envie de se défouler cette nuit.

Après avoir dégusté une langue de bœuf et des haricots -ça rajoutait un peu de couleur, c'était joli-, je me hâtai de prendre mes habits de sport et les mettre dans un sac. Se transformer en loup était trop risqué, puis si je voulais être tranquille, il aurait fallu que je prenne la voiture pour m'isoler de la ville. Je n'en avais pas envie ce soir, alors autant me défouler dans le sport.

Une salle de sport avec tout ce qui va avec ne se trouvait pas loin de chez moi, par chance. J'étais une abonnée et y venait plusieurs fois par semaines. Etant une habituée, je disposais d'un pass pour y entrer et c'était vraiment pratique. Rapidement, je me changeai dans les vestiaires puis partis m'échauffer. Je faisais un peu de tout... Comme du renforcement musculaire par exemple, ou alors cogner dans des sacs de sable assez lourd. Ce que j'étais en train de faire. Bon sang ce que ça faisait du bien. Je balançai toute ma rage contre ce boudin de sable et criai ma hargne... Jusqu'à que le sac s'effondre au sol. Si j'avais été normalement constitué, je n'aurais pu l'éjecter. Il faut dire qu'être une loup-garou m'avait donné plus de force, plus d'agilité dans tout ce que je faisais et ça, c'était cool. J'étais fine, trop fine, et savoir que je pouvais faire mal en cognant me rassurait. Après 1h15 de sport, je partis prendre une douche bien chaude dans les vestiaires avant de quitter l'établissement sportif.

Il devait être pratiquement 23h00 désormais, et je décidai de prendre un raccourci en rentrant chez moi. Direction les rues qui craignaient ! Je n'avais pas réellement peur en passant par là, j'avais confiance en moi, je pouvais me défendre. Ça puait la misère, l'alcool et... Le vampire ? Je me stoppai à un croisement de rue, et reniflai. Ça sentait la sangsue à ma droite. Les vampires je ne les aimais pas. Pourquoi ? Peut-être parce que depuis la nuit des temps les lycans et les suceurs ne pouvaient pas se blairer ? Pourtant, jamais je ne m'étais fait attaquer par un vampire. En même temps, je devais sentir la chienne galeuse à des kilomètres à la ronde. Leur odeur était particulière et m'irritait les narines. Cette odeur je la connaissais que trop bien, car ça sentait le pourri, le mort, le macchabée. Avec mon boulot, je m'y étais habituée mais il y avait quelque d'autre de différent chez le vampire. Une odeur de boule puante, mélangé au vomi et aux punaises écrasées. Non franchement, je ne saurais identifier cette odeur, mais ça piquait le nez.

Les vampires, j'en avais rien à battre. Tant qu'ils me faisaient pas chier, tout allait bien. J'aurais pu donc continuer ma route comme d'habitude, sauf que quelque chose reteint mon attention. Johnny Blake était collé aux baskets du sang froid et... Il n'avait pas l'air de lui vouloir que du bien. J'observais la scène de loin et fut surprise lorsque le type sortit un flingue. Ce Johnny était un sale drogué, pervers, qui s'amusait à faire peur aux gens. Par contre je ne l'avais jamais vu sortir de flingue. Curieuse, je décidai de m'approcher. Mon ouïe détecta une phrase « C’est des balles en argent. Un mot de plus, sangsue, et j’te descends. » Il me semblait que l'immortel ne lui avait rien fait. Enfin d'après, l'expression de son visage il avait l'air totalement perdu. De plus, des balles en argent c'était mauvais, pour lui, comme pour moi. Je n'aimais pas les vampires en règle général, mais celui-ci semblait différent... Je n'allais pas laisser ce gros Johnny l'emmerder plus longtemps. Je sortis mon canif coupant de mon sac et m'approchai à pas de loups mais assez rapidement vers les deux hommes. Arrivant derrière le Johnny -qui était plus grand que moi évidemment-, je lui sautai sur le dos, m'accrochant à sa taille à l'aide de mes jambes, lui tirant les cheveux en arrière, j'appliquai la lame brillante contre sa carotide. « Lâche ton flingue, ou je te tranche la gorge. » Je me surprenais moi-même à prendre la défense d'un vampire. Mais, solidarité des individus différents, on va dire. Mon canif avait l'air minable pour lui couper la carotide, mais avec un peu l'huile de coude et de la volonté, j'étais sûre que ça le ferait.

Je me trouvais trop bonne.

Pas dans le sens sexuel, hein. Bonne, le contraire de mauvaise. Jamais je ne dirais que je suis bonne sexuellement parlant. Pour plusieurs raisons, d'ailleurs. 1) Je trouvais cette connotation vulgaire pour une fille. J'avais beau lâché quelques injures, entendre un mec parler d'une fille comme étant bonne, ça m'exaspérait. On dirait qu'il parle de bouffe limite. 2) Même si bonne peut être pris comme un compliment, je sais que jamais je ne pourrais l'être puisque pour l’être il fallait au moins avoir des relations sexuelles, ce qui pour moi était difficile. Je suis sûre qu’un paquet de lycans devant s’en sortir avec leur sexualité, mais moi j’avais beaucoup de mal. Je savais peut-être me contenir quand j’étais énervée et ne pas exploser en une boule de poil, mais côté plumard, je n’y arrivais pas. La bête en moi doit trop s’échauffer quand je me retrouve nue contre un homme. Du coup, pour éviter que je pète un câble, fasse voler des plumes et me retrouver la tête dans la cage thoracique du garçon à jouer avec son sang, je m’abstenais et comptais devenir bonne sœur. Bon, non franchement je n’avais pas envie de me retrouver bonne sœur ou pire me retrouver dans leur association de Follow the ship with the sun ou un truc du même style à prier la perte des vampires. Sinon, oui je m’abstenais et…

Une goutte de sueur tomba sur ma main qui tenait l’arme. Je me rendais compte que j’étais toujours cramponnée à Johnny, le menaçant de lui trancher la gorge. Je suis sûre que c’était à cause du vampire si je m’étais mise à penser au sexe. Les vampires étaient sexuels et faisaient mouiller toutes les petites pimbêches prêtes à se faire mordre. Je levai d’ailleurs mon regard sur le vampire qui venait se faire tirer dessus. La plaie avait pratiquement disparu, comme par enchantement. « Merci pour le coup de main. Je crois qu’à présent on peut le laisser partir ? » Répondit l’immortel. C’est tout ? Ce n’était pas vraiment un vampire comme j’avais l’habitude de voir. Il aurait pu me faire tomber du dos de l’abruti et enfoncer ses crocs –qu’il avait gentiment sorti- dans sa gorge. Il n’y fit rien. Je préférais me méfier quand même, mais au premier regard il avait l’air moins agressif que quelqu’un et plutôt timide. Je finissais tout de même par descendre du dos du baraqué, et je rangeai mon canif dans mon sac. Il avait l’air. Je le comprenais, en même temps, il y avait quelques secondes le vampire lui avait posé le flingue sur la tempe. « Dégage ! » Lâchai-je à Johnny en le poussant d’une grande force. Cela pouvait toujours surprendre de voir une jeune femme frêle comme moi pousser violemment un homme aussi fort que lui. Oui on m’appelait Wonderwoman en fait. Il marmonna dans sa barbe, jetant un regard triste à son gun que le vampire venait d’écraser, de réduire littéralement en miettes. Je passai une main dans mes cheveux bruns en m’assurant qu’il ne ferait pas demi-tour avec peut-être une bande de potes. Une fois qu’il tourna au bout de la rue, je pivotai mes talons pour me retrouver face au vampire avec une distance de sécurité adapté au cas-où et pour l’odeur. Mes yeux bleus se baissèrent aux pieds du jeune homme et j’y vis un petit tas blanc emballé dans une sorte de film plastique. Je me baissai et ramassai le produit. Je l’observais quelques instants avant de le tendre à l’inconnu vampirique. « Il va t’arriver des emmerdes à force de vouloir vendre ça, surtout dans le coin. » La drogue, je n’en consommais point. Du moins, pas de la cocaïne ou ce qui ressemblait à de la cocaïne. Fumer des joints ça pouvait m’arriver. Cependant avec la mode du V, trainer dans de sales rues quand on est un vampire maigrichon pour essayer de vendre de la came, n’était peut-être pas la meilleure idée du moment…

Je n’avais pas apprécié que le vampire s’approche si près de moi, comme il venait juste de faire. D’ailleurs, instinctivement, j’avais fait un pas en arrière. Méfiante. Je sentais le loup ? Non sans blagues. J’aurais préféré ne pas avoir cette odeur et pouvoir me déplacer n’importe où sans que les sangsues me sentent et me fixent. J’avais peut-être donné un coup de main au suceur de sang, mais je me sentais incapable, et l’envie n’était pas présente de prendre cette créature dans mes bras. Nous n’étions pas censés nous aimer entre créatures à crocs, et même si la cohabitation était une bonne chose, je n’étais pas prête. Je leur en voulais trop, d’être au centre de l’univers, au centre des médias, de la littérature, d’être adulé par tous. Franchement, qui avez entendu un humain dire « J’aimerais devenir un loup-garou. » ? Jamais, je n’avais entendu ça et je pense que ça ne changera pas dans le futur. Faut croire que les loups-garous étaient mal vus… Puis de toute manière, les humains sans dons pensaient encore que le mythe du lycanthrope se trouvait seulement dans les histoires pour effrayer les enfants. Même si je n’étais pas spécialement fan d’être une humaine spéciale, je soutenais ma race. Ce n’était pas de la jalousie que je ressentais. Je n’aurais pas aimé être sous les projecteurs comme les vampires, savoir que des petits cons comme Johnny voulait me piquer mon sang pour sa vertu. J’étais bien en louve, et je pense que si un loup m’avait attaqué ce soir-là c’était le destin. S’il fallait que je me fasse attaquer par une bête, ça n’aurait pu qu’être par le loup-garou. Le caractère original des vampires et leur mode de vie ne m’auraient pas convenu. Premièrement, renoncer au soleil : ce n’était même pas la peine d’y penser. Hélios était indispensable à ma vie. Me réveiller et voir le soleil dehors avec un magnifique ciel bleu annonçait une journée où je serais de bonne humeur. Puis devoir renoncer aux humains afin de se nourrir –dans l’idéal- que du tru:blood, ça va deux minutes. C’est de la pisse de souris ce truc ! Rien comparé au sang humain.

Qui sait, peut-être que ma rancœur sur l’injustice qu’il y avait entre nos deux races allait passer… Toujours est-il que j’avais fait un pas vers la cohabitation sans le savoir en sauvant les fesses de ce jeune homme allergique au soleil.

« Je sais bien, mais les temps sont durs. » Il ne pouvait pas faire autre chose ? N’avait-il pas fait des études ou que sais-je avant de mourir ? Je l’observais silencieusement. Il n’avait pas l’air hyper vieux -en âge humain je parle-. Je pense qu’il devait se rapprocher de la vingtaine comme moi et niveau âge de vampire… Il ne devait pas être tout jeune non plus. Il savait se contrôler. Le vampire se décala en me montrant la rue. Il se présenta au nom de Lennon, comme John Lennon haha. Un immortel m’offrant un verre ? Je fis une moue étonnée avant de m’interroger. « Je rentrais chez moi… » Qu’est ce que je risquais ? Je m’approchais un peu de lui et le regardai sérieusement « Ce n’est pas un piège, tu ne vas rien me faire ? » Je préférais rester méfiante, sait-on jamais. Je ne faisais pas confiance aux gens aussi facilement !

Quand, je vis que je n’avais rien à craindre avec ce Lennon, je prie une décision. « J’accepte ton invitation pour le verre. Sinon, je m’appelle Victoria. » Dis-je tout en m’avançant dans la rue. Je ne savais pas trop dans quel bar il voulait aller. J’avais l’habitude de me rendre au Shaun of the Dead mais… Ce n’était pas trop à côté des rues malfamées.

Alors que je demandais au dit Lennon, si je risquais quelque chose, celui-ci répondit qu'il allait me dévorer dans quelques secondes. Ah ? Je penchais ma tête sur le côté, fronçant les sourcils. Il partit dans un fou rire alors que moi je ne disais rien, je l’observais juste en silence. Derechef, il s’arrêta de rire en voyant que je ne bronchais pas. Cette fois-ci ce fut moi qui me mis à rire, mais intérieurement. Toutefois, je levai les yeux au ciel étoilé avec un petit sourire en coin. C’était nulle comme blague, mais sa tête avait été amusante.

Une fois que je m’étais présentée, il me tendit la main, mais je ne la lui touchais pas –trop occupée à regarder à l’horizon. Si je connaissais un bar dans le coin ? Oui j’en connaissais quelques-uns, mais rien ne valait le Shaun. Je regardais Lennon en reculant doucement, lançant des regards à droite à gauche. « Mmh… Oui, j’en connais quelques-uns. » D’ailleurs peut-être que Lennon avait insinué le Shaun of the Dead en disant qu’il n’en côtoyait qu’un seul, assez loin. Indio n’était pas aussi grand que Los Angeles et ce bar était plutôt original. Après… S’il n’avait pas été un vampire, j’aurais pu peut-être et éventuellement l’amener chez moi, juste pour boire hein. Enfin, bon malheureusement c’était un vampire. Je commençais à partir sur la droite, mais en n’entendant pas le vampire marcher derrière moi, je me retournais vivement. « Tu viens ? » Je lançais un furtif regard vers la prostituée que j’avais repéré depuis un petit moment. « Dépêche-toi de venir, avant que la gentille madame te saute dessus pour ton sang. » Je lui fis un clin d’œil et tournai les talons pour continuer à marcher vers un bar. Finalement, un loup-garou était pratique pour un vampire. Ça pouvait lui servir de garde du corps.

Petit à petit, je baissais ma garde sur le vampire. J’avais même fini par marcher à côté de lui, au lieu de devant lui comme le chef d’une meute ou comme une garde du corps. Au niveau d’un McDonald’s je m’arrêtais. Je me tournai vers Lennon. « Je reviens tout de suite. » J’avais la dalle. Encore. J’étais un estomac sur pattes et ne prenait pas un poil de graisse. Je me dépêchais de rentrer dans le fast food. J’avais laissé Lennon dehors, car j’en avais pour pas longtemps. Il n’y avait personne vu l’heure et heureusement je pus avoir mon happy meal. Moins de cinq minutes après, je ressortis, la moitié de l’hamburger déjà englouti dans ma gueule. Je fis un vieux sourire de merde la bouche pleine à Lennon –mon deuxième sourire, attention les amis- avant de reprendre ma marche avec lui. Nous arrivâmes enfin à une rue éclairée où quelques gens fumaient devant un bar. Je refermais mon paquet, il me restait encore les frites, la petite compote et le jouet. Le petit coca, je l’avais déjà bu. Je regardais Lennon. « Je connais ce bar, si tu veux. » J’espère que ça lui irait parce que dans le coin, je n’en connaissais pas d’autres de sympathiques. Dès que nous entrâmes dans le bâtiment, j’eus l’impression que tout le monde nous regardait. Il y avait disons dix clients, c’était relativement tranquille. Certains essayaient de pousser la chansonnette du côté du karaoké. Je choisis une table au hasard, qui était faite pour quatre personnes à la base. Je posais mon sac sur une chaise et retirai mon manteau et mon écharpe pour me retrouver en débardeur avec un loup dessiné dessus (hahahaha). Ma température ambiante devait être un peu plus élevée que la normale. Une serveuse vint nous voir assez rapidement. « Bonsoir, je vous sers quoi ? » « Un monaco s’il vous plait. » Je levais les yeux vers le vampire. Alors qu’allait-il choisir comme sang ?